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  • "Le rappel des titres", Alain Helissen

    1271191406.jpgDans ce recueil, Alain Helissen se lance à sa façon dans « Le rappel des titres » en martelant un « vous » comme une incantation. Helissen fait de nous les sujets et les spectateurs d’une alchimie traitée comme un collage. La force du recueil tient notamment par le travail effectué sur les mots, avec l’exigence du sens, du message sous-entendu, mais aussi dans la dénonciation de nos travers : la gestion de l’actualité met bien souvent en lumière nos obscurcissements, nos limites. « J’ai renvoyé toutes mes idées reçues à leurs expéditeurs » : le Je qui revient dans les textes en italiques contraste avec le Vous des autres poèmes et renvoie à l’identité même du poète en tant qu’auteur et personnage social. Ce visage est bien trop souvent invisible et passe inaperçu dans le flux des images et de l’information : « Et votre image là / en pleine lucarne / d’un geste sec / vous la zapper / comme un autre vous-même ». Le poète est bien témoin anonyme de tous ces silences et de ces manques, et à lui de crier : « Vous / cherchez à me faire / taire quand j’énonce / avec force mon indignation / mon état de révolte permanente ». Cette parole fragile s’oppose à la massive présence d’un discours officiel et conventionné qui la plupart du temps ne fait qu’effleurer le réel ; le poète lui se permet « quelques écarts de langage / avant / dis / s / o / l / u / t / i / o / n ». Le vous est accusé d’inventer « un monde contrefait / aux motifs caricatu / raux » quand le poète dénonce : « vous / suivez depuis long / temps un régime médiatique / qui vous a dé / lesté déjà de vingt ki / los bien pesés d’o / pinions personnelles ». Nombre des poèmes d’Alain Helissen sont de facture dadaïste comme ces vers encadrés : « PRIX TTC / LA PROMOTION DE LA / SEMAINE ». Mais il ne s’agit pas tant de casser que de marteler un message, de réaffirmer la présence de l’Art et de la poésie au sein de la parole. Et l’Art ne serait-il pas l’ersatz  par lequel le créateur entend peser sur le monde ? « Les fleurs peintes ne sentent pas aussi bon que celles du jardin / (…)/ l’avantage c’est qu’il n’y a pas besoin d’les arroser », confie l’auteur. Si Alain Helissen évoque les travers de l’information – ceux de notre horizon imaginaire en fin de compte – il sait aussi les dissolutions de la parole et les doutes inhérents à celui qui écrit : « vous marchez nu / sur des débris de vers cassés ». Et lui de remarquer « vos retards de croissance / votre manque d’assurance / vos déboires de créance »… On pense encore à Dada dans ces vers : « N’en jetez plus / Tirez la chasse / (…) / gagnez du temps / écrivez FIN / et / dis / pa / rais / sez ». ou encore « Prolétaires de tous les pays / Connectez-vous ! » Alain Helissen s’avance avec beaucoup de lucidité dans l’univers médiatique mais aussi dans celui du quotidien et n’oublie pas aussi d’interpeller le poète, lui qui dispose d’une arme : celle du langage. « Le rappel des titres » dresse un tableau critique de notre rapport au monde. L'auteur s’adresse à nous par l’écran interposé du livre, décline une actualité différente remaniée dans le prisme du langage. Il nous ramène au rôle particulier de chacun ici-bas. Ce travail sur la langue et sur le sens donne envie de lire davantage de cette poésie vue et pensée par Alain Helissen.

    Alain Helissen, Le rappel des titres, éditions Les Deux-Siciles (8, avenue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière), 10 €.

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  • Extrait

    Extrait de Le rappel des titres de Alain Helissen :

    VOUS

    jetez

    l’encre

     

    nagez vaillant

    jusqu’au quai

    ce que c’est

    d’écrire encore

    quand le siècle infecté

    se gratte de ses démangeaisons et que

    connecté

    VOUS

    débouchez

    sur les écrans qui vous guident au cœur de tous les

    savoirs déposés

     

    VOUS

    communiquez

    en ligne directe

    avec

    l’internéternel !

    (Poème reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur)

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  • J'ai besoin...

    J’ai besoin d’un peu de silence. Ecoutez mon corps... J’entends un écho comme une musique noire qui vient du fond des âges. C’est un steak posé sur une balançoire. Collez-vous à ce coquillage, vous entendrez le son de la mer. Ça y est, je distingue bien la scène. Aux indigènes la magie noire. Sur la plage, ils chantent et dansent autour d’un feu. Les incantations, les sorts jetés qui se poursuivent jusqu’au bout de la nuit. C’est un immeuble aux pétales de roses. Un bracelet d’épines. Une fourchette à roues. Sur un chemin, Jésus porte sa croix. Je voudrais me dégager de toute religion, de toute physique, de tout pays, de toute famille, mais surtout de toute pesanteur. Pouvoir voler comme un oiseau, être le corps d’un autre. Avez-vous entendu la danse ? Je ferme ma chemise, je ferme ma bouche. Vous n’entendrez plus rien. Devant moi, l’étendue de l’océan.

    ***

    Se promener dans le monde avec cette appréhension de ne jamais pouvoir s’élever. Etre l’ombre de soi-même, insipide et qui vous suit partout.

    Et soudain, s’élever vers les anges.

    Fenêtre de brume donnant sur l’au-delà.

    Disparition de moi-même. Dissipation de l’âme.

    Et dans un coin de la chambre un vieux livre ouvert.

    ---

    © Daniel Brochard. Poèmes publiés dans Verso, n° 131, décembre 2007.

    Verso. Alain Wexler. Le Genetay. 69480 Lucenay.

    Abonnement : 20 euros / 4 numéros.

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