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En revues

  • Derrière le voile de cendres et de feu...

    Derrière le voile de cendres et de feu que l’on déchire du doigt, sous un ciel chargé de pierres telle une pluie volcanique, sous l’amas vaporeux de la conscience qui n’est qu’un parapluie en flamme, il n’y a pas d’heure pour les compromissions. J’ai vu tout à l’heure un ange passer et ses yeux étaient injectés de sang. Je me suis perdu dans les forêts lugubres, trompé par de vierges parchemins et l’incendie des grandes villes a brûlé ma chevelure. Les inscriptions sur les pierres blanches ont scellé mon testament. Je n’aurai plus de regard envieux vers les albatros. Je ne me reposerai plus le soir au clair de lune. Je ne serai plus qu’un long fleuve d’ennui. Je n’ai plus de force pour porter ma peine. La nuit, j’ai tant de haine ! Il n’y a pas de rivage, ni de plages de galets assez immenses pour l’étendue de mon désespoir.

    © Daniel Brochard. Poème publié dans Multiples, n°73, octobre 2008.

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  • Le soir déjà...

    Le soir déjà et je me sens si vieux. Dans la rue, les engins des travaux publics charrient sable et goudron. Quelques passants sous leur parapluie marchent comme moi, je suis si mal. A perte de vue s’étendent les enseignes des intérims. Peinture, maçonnerie, soudure, tous les gros et seconds œuvres dansent sur les vitres sales balisant les trottoirs. Je n’en puis plus de cette interminable ronde. Vais-je entrer ici ? Vais-je aller par-là ? Les questions les plus existentielles m’assaillent. La pluie lessive les pavés infects. Je marche à n’en plus finir. Et ces machines sourdes qui délestent votre cerveau de ses derniers neurones ! Presque tout le ciel semble s’écouler en rond dans ce caniveau où se précipitent mégots et bouteilles vides. Je lutte contre le néant. Tout vient dans cette rue à ce moment, parmi ces logements, volets ouverts ou fermés, les nuages de plus en plus noirs et la vie elle-même de plus en plus fugitive. Je lève les yeux pour tenter de trouver un semblant de repos. Des ombres massives font une ronde entre les toits. Le vent siffle sur les façades. Je voudrais pousser un cri. Ma voix se perd. L’écho est déjà loin.

     

    Ce soir est la fin d’un monde. Les lumières des fenêtres vont s’éteindre bientôt. Et moi je suis ivre de silence et d’ennui. Les murs me conduisent. Les machines m’enchaînent. Je suis casqué déjà. J’ai tous les vêtements sur moi. Le goudron me coule dans les veines. La vapeur me tétanise. La pluie me pénètre entièrement, dissout mon chagrin, m’enlève ma révolte. Je ne suis plus cet homme qui marche dans la rue. Le trottoir se vide peu à peu. Muni des outils adéquats je creuse ma propre tombe. Mes croque-morts ont quarante ans et viennent des tropiques. Le corbillard roule au gas-oil sur la voie qui rétrécit. J’ai à peine le temps de me retourner qu’un grand coup m’assomme.

               

    Les deux pinces du bulldozer se referment sur un congélateur en service et, après l’avoir élevé dans le ciel, le font retomber sur un tas encore plus grand. La plage de palmiers s’étend à l’horizon d’un sable blanc autour du lagon. Une femme fait tourner une broche au-dessus d’un feu presque éteint. Déjà apparaissent les premières étoiles et un croissant de lune. Des hommes reviennent de la pêche en traînant leurs pirogues de fortune.

     

    J’étais là parmi les invités. Je ne dis aucun mot de peur de me trahir. La vie est si douce le soir, allongé sur le sable ! Avons-nous besoin d’autre chose que de ces fruits gorgés de soleil ? Rêvons-nous parfois d’autres univers ? Le nôtre est si facile à charrier ses immondices, si adroit à écarter de l’humain l’humanité ! L’homme a fait de lui-même une machine sans rêves. Je donnerais tout pour ne pas retourner de l’autre côté du sommeil.

     

     

    Extrait de "Train de nuit", paru dans les revues Virgule n°4 et Passage d'encres n°28.

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  • Arrêt d’horloge...

    Arrêt d’horloge et de temps. Une fluctuation imperceptible du vide très haut vers le firmament provoque la métamorphose annoncée d’un cercle de feu en croissant luminescent. Les vagues s’épanchent en vastes gonflements, parfois éclatent en papillons de nuit. Au large, un château de verre, mystérieux, attend. Je n’habite pas les étoiles, ni ces forêts de pins. Je ne suis pas dans ces empreintes sur le sable et pourtant il me semble être déjà passé par ici. L’écume blanche est comme un long chemin qui s’étend des deux côtés de l’horizon. Ma solitude est comme un phare éteint. Je suis impatient de quelque chose, comme du jaillissement soudain d’une supernova, peut-être même de l’ouverture d’une porte dans la nuit et aussi, sûrement de la disparition de tout. Ma montre arrêtée n’indique pas les cinq heures.

     

    © Daniel Brochard. Poème publié dans Comme en poésie, n°11, septembre 2002.

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