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De l'essence à la famine

Je vous invite à découvrir l’entretien avec Jean Ziegler (rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation) concernant les biocarburants, dans un article de Olivier Nouaillas, intitulé « Les biocarburants mènent à la famine », publié dans La Vie du 25 octobre.  

 

Les siècles à venir se retourneront sur notre époque et certainement ne seront pas tendres. Nous qui avons inventé les plus horribles tortures, qui avons perpétré les plus ignobles massacres et conduit les guerres depuis la nuit des temps, sommes menacés par de nouveaux dangers affectant les forêts, les océans, le climat de la Terre… Quels que soient les impacts à venir, ce seront encore une fois les plus pauvres, les plus fragiles, les femmes et les enfants qui subiront les conséquences de nos actes…  

 

C’est ce qui se dessine aujourd’hui. « Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim et 854 millions d’êtres humains sont en état de malnutrition. Demain, avec les biocarburants, ce sera encore pire » déclare Jean Ziegler. En effet, « cette année le prix du blé a doublé dans le ­monde, au Mexique, le prix du maïs, un aliment de base pour la nourriture, a qua­druplé. » Ce qui n’est pas cultivé pour la nourriture mais pour faire rouler des bagnoles a une conséquence tragique : « Au Brésil, si vous faites le plein d’une voiture moyenne qui roule au bio­éthanol, les 50 litres que vous allez utiliser correspondent à 232 kilos de maïs, soit la nourriture de base d’un enfant zambien ou mexicain pour une année ! » Ainsi Fabrice Nicolino écrit-il dans « La faim, la bagnole, le blé et nous » : « De l’Indonésie au Brésil en passant par le Cameroun, ces nouvelles cultures de canne à sucre, de soja ou encore de maïs sont en train d’accélérer à la fois la déforestation et de faire exploser le prix des produits alimentaires de base. »  

 

Les enjeux dépassent de loin le cadre national du Grenelle de l’environnement. Dans un autre article de La Vie, intitulé L’éthanol fait tousser le Brésil, un accord entre Bush et la président brésilien Lula passé en mars 2007 est dénoncé comme « potentiellement désastreux » : « 26 millions d’hectares de terres vivrières [seront] sacrifiés à la canne à sucre au Brésil pour produire du biocarburant. » Afin de réduire la dépendance des Etats-Unis vis à vis des pays pétroliers, Bush entend exploiter les sols de la région pour faire rouler ses voitures, tout en ayant des visées sur d’autres pays latino-américains. "L'éthanol ne menace pas l'environnement" affirmait en mars le Président brésilien. L’article de La Vie donne une toute autre opinion. Entreprises dans une zone où la forêt est en grave danger, rongée jour après jour loin des yeux du monde, ces nouvelles cultures causent incendies et pollution supplémentaire, représentent un vecteur de pauvreté et une menace sur l’alimentation, alors que 2,7 milliards de personnes dans le monde vivent avec moins de deux dollars par jour.  

 

Voilà où nous en sommes. Ainsi se livre le grignotage continu des ressources naturelles. Un exemple parmi cent qui prépare pour nos enfants un monde dont nous ne mesurons pas encore assez les blessures. Quand il n’y aura plus de pétrole, nous pourrons toujours consumer les restes de la forêt amazonienne, quand il n’y aura plus assez de maïs et de canne à sucre, nous pourrons toujours nous entredévorer, ou bien nous faire une nouvelle guerre pour inverser le taux de croissance de la population. La connerie humaine est visible. Personne ne peut fermer les yeux. D’une manière ou d’une autre, nous serons amenés à de multiples changements. Où va donc l’homme bon de Rousseau ? Ce qui m’inquiète au-delà de sa disparition, c’est bien celle des plus pauvres, des plus fragiles, des femmes et des enfants.  

 

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L'Amazonie brûle et l'Amérique du Sud étouffe (Extraits d’un article de Daniel Howden et Jules Steven publié le 5 octobre 2007 dans The Independent ) :

« De vastes étendues du Brésil et du Paraguay, ainsi qu’une grande partie de la Bolivie, étouffent sous des couches épaisses de fumée tandis qu’un feu échappant à tout contrôle fait rage dans la forêt tropicale d’Amazonie, obligeant à l’annulation de vols.  

Les images des satellites ont montré, hier, d'énormes nuages de fumée et une grande partie du bassin de l'Amazonie qui brûle, alors que des feux, allumés à l'origine par les éleveurs pour dégager des terrains, faisaient rage à l'intérieur même de la forêt.(…)   Roberto Smeraldi, à la tête des Amis de la Terre au Brésil, a déclaré que la situation échappait à tout contrôle : "Nous avons une forte concentration de feux, correspondant à 10.000 départs de feu sur une vaste étendue d'environ deux millions de km², dans le sud de l'Amazonie brésilienne et en Bolivie".(…)   M. Smeraldi a été très clair sur la responsabilité des incendies de cette année : "C'est essentiellement, je dirais à plus de 90%, le résultat de l'expansion de l'élevage de bovins".(…)   "Ces feux reflètent le côté suicidaire de l'homme", a déclaré Hylton Murray Philipson, de l'œuvre caritative basée à Londres, Rainforest Concern. (…)   Le Brésil et l'Indonésie n'apparaissent pas sur les indices industriels conventionnels des principaux pollueurs mondiaux, mais ces deux pays font partie des quatre plus gros émetteurs de CO2 lorsque l'on prend en compte la déforestation. »

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