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  • Poème

    Un influx nerveux

    Se lève dans

    Les catacombes

    De l’être dans ses cimetières

    Puisse le Temps

    Perpétuer le labeur

    Corriger les vertiges

    Des cohues

    Sa roue de pierre

    Avancer vers

    La parole la parole

    Celle qui fut pendue

    Celle accrochée à un rideau

    Ô futur après

    Les vomissements  

    Gérard Lemaire

  • God cries in America

    Il se pourrait bien qu'un matin, on se réveille avec l'annonce d'une explosion atomique quelque part dans le monde. Ce ne serait plus un film, la vidéo passerait en boucle à la télévision. On n'aurait plus qu'à se dire : « - l'Humanité a encore engendré une nouvelle catastrophe »... et on n'aurait plus qu'à se jeter dans le vide en criant : « - j'en ai plus rien à foutre ! » Hier soir, Arte diffusait « Un taxi pour l'enfer », un reportage dénonçant les tortures perpétrées par des militaires américains sur de présumés terroristes. Aujourd'hui, j'étais plutôt fatigué  d'écouter les conversations où l'on essayait plus ou moins de m'impliquer. J'avais la tête ailleurs, pas trop envie de discuter de choses et d'autres. Je méditais plutôt sur ce que l'homme est capable de faire à son prochain. A voir ce Président américain, Bush, justifier les mauvais traitements et déclarer que les conventions de Genève concernant le traitement des prisonniers sont « vagues » j'ai donc plutôt eu envie de vomir. Le 11 septembre aurait justifié de retourner contre les « barbares » l'usage de la barbarie, position impossible à tenir, et pourtant beaucoup d'américains y croiraient ! Je me dis vraiment que le monde ne tourne pas rond. Que dire après le coup que constitue ce reportage ? Difficile ensuite de changer de chaîne, de tomber sur TF1 pour un de ses énièmes jeux ! Difficile de parler de poésie, de ses publications, de ses recueils. Difficile de croire que tous ces écrits aient une quelconque importance et de trouver une justification au fait même de l'écriture. La poésie est un combat, c'est tout ce qui peut encore à mes yeux la sauver de son apocalypse. Poètes, le Président Bush vous rit au nez ! Soyez bien conscients qu'il n'a rien à faire de votre écriture, comme il n'a que faire des journaux et des reportages qui l'accusent de façon justifiée. Le Président Bush lutte pour la démocratie et pour l'impérialisme de la liberté. Ne le faites pas rire avec vos poèmes, vous pourriez malencontreusement provoquer un jet involontaire de bombe atomique ! Croyez bien que l'Iran ne rigole pas avec la bombe atomique ! Croyez bien que nos revues sont que dalle face à l'impérialisme de la connerie humaine dont le Président Bush est un des plus fidèles représentants ! Croyez bien que je vomis face à la torture ! Je ne me suis pas trompé de combat. J'écris encore contre la connerie, contre les cons et pour la démocratie. Je suis ami de la liberté et j'emmerde le Président Bush comme j'emmerde Ben Laden. J'emmerde les croisades, je ne suis pas en croisade. Les chiens me font vomir. La nudité me fait vomir. Tout comme les privations de sommeil et les décharges électriques. Je suis humain. Je ne suis pas Bush ni Ben Laden. Je suis humain. Face à la connerie humaine, je ne me tranche pas la gorge volontairement. J'accuse. J'écris. Je dégueule. Il se peut qu'un matin, on se réveille avec l'annonce d'une explosion atomique quelque part dans le monde. A part ça, en ce moment c'est le Grenelle de l'environnement. Et y a Un contre cent sur la Une à dix huit heures avec Castaldi à la télévision.

    Catégories : Société Lien permanent
  • La poésie cannibale

    Tout ce qui passe à proximité de l'esprit est susceptible de former le poème. Le poème est un organisme cannibale capable de s'auto dévorer jusqu'à l'absurde. En l'absence de réponses définitives, la morsure devient mortelle, rongeant le corps et l'esprit. Que reste-t-il d'autre à la poésie que ce repas anthropophage où tant de poètes sombrent, se suicident et disparaissent ? Ce cannibalisme premier a été formé avec le terreau de la littérature et en constitue le socle. La poésie contemporaine oscille entre deux formes distinctes de la pensée écrite. L'une peut être austère, a priori difficile d'accès ou nécessitant une réflexion intense, une faculté à laisser son esprit être entraîné sur de longs chemins ; l'autre s'efforce de prendre pour point de départ le réel en en montrant les questions importantes, les injustices, les tragédies. Il existerait une autre forme de poésie que l'on pourrait dire totale qui engloberait les deux formes primaires, en ouvrant une nouvelle voie et de nouveaux défis. Cela impliquerait que l'on prenne la vie dans sa totalité, dans la multitude de toutes ses formes, nécessitant forcément une prise de conscience préalable, une idée du chemin à parcourir. Il faudrait admettre d'être porté assez longtemps par la vague, le temps d'en mesurer l'étendue, l'importance. Ce travail sur soi serait aussi un travail sur le monde, produit d'une unique écriture. La poésie serait orientée, mesurée, assumée pour son tout et non plus pour une partie de sa substance. On retrouverait en quelque sorte le sujet, la cible, la signification de l'essence et du combat à mener.

    La poésie est une forme de pensée bien particulière tenue aujourd'hui par les anonymes et par ses élites, choyée comme un trésor. Chacun essaie d'en mesurer les paramètres, les enjeux. La poésie s'auto alimente, s'auto subventionne. Les médias s'en foutent bien que les poètes existent. Ceux qui ont la parole n'en ont rien à cirer de ceux qui écrivent aussi bizarrement. Même au sein de son propre entourage, le poète est un être à part, suspect, potentiellement dangereux, défiant les normes et dont la pensée fait peur. Le combat est inégal. Désespéré. Puisque cela est affaire d'écriture, de littérature, quelque chose de lointain, d'inaccessible. Or tous les efforts sont à faire pour qu'elle redevienne accessible, pour qu'elle sorte de son ghetto, de ses laboratoires. Ce combat est double. Interne, car il convient de penser le monde, d'y introduire une dimension critique, sociale. Et externe, car fondamentalement la poésie pour exister a besoin de s'ouvrir au monde, d'aller à la rencontre, de susciter le questionnement.

    Cette pensée totale ne serait plus exclusivement poétique mais pourrait être reprise par chacun. La poésie serait une sorte de langage commun, universel, compréhensible par tous. Qui sait quelles révolutions pourraient apparaître alors ? Puisque la poésie a toujours voulu s'approprier le monde, peser sur lui, d'une façon utopique et désespérée. S'il est encore des êtres assez fous pour oser croire à son pouvoir, alors qu'un anonymat flagrant pèse sur ses acteurs, s'il est encore des utopistes capables de la sauver de sa propre mort alors qu'elle s'essouffle peu à peu, sa folle conquête n'est peut-être pas vaine.

    Face à l'actualité et aux très justifiées inquiétudes, on sait pertinemment que les enjeux pèsent lourdement sur les épaules. Nous en sommes encore aux temps du cannibalisme, de la lutte pour les protéines, pour la matière, pour le feu. Les enjeux sont bien ceux de la survie, des orientations sociales et culturelles. Ces questions sont bien plus importantes que nos revues, nos publications, nos marchés. Faut-il se dire que tout est perdu tant que le monde ne fera pas sa propre analyse, tant que la parole ne sera pas libérée de ceux qui la possèdent honteusement ? Faut-il se dire que la lutte est sociale, économique et politique avant d'être une question d'écriture et de diffusion de la littérature ? Ce n'est pas la poésie qui est en cause, elle n'est pas destinée à s'auto digérer. Les hommes sont en crise de croissance. Nos sociétés devront faire face à des changements réels qui touchent à leur propre survie. Nos certitudes seront remises en question. Notre façon de vivre, de penser sera bouleversée par les changements à venir. Pauvre petite poésie face aux colosses qui sont les piliers du monde ! Penser ne se fera plus exclusivement à la lueur de la lampe ! Il faudra bien refaire le monde ! Que la poésie soit à l'affût, prête à effectuer son travail de sangsue ! Qu'elle guette dans l'ombre une opportunité de sortir de sa tanière ! Seules les idées ont un avenir. La véritable révolution est encore une utopie dont chacun attend l'avènement. Quand les puissants, les fous auront enfin compris, dans leur logique pécuniaire et sanglante, quand chacun se sera confronté aux réalités du monde, peut-être regardera-t-on du côté de ceux qui auront annoncé les métamorphoses à venir. Les hommes de bonne volonté seront ceux-là. Nous ne sommes pas condamnés à nous entre-dévorer. Nous ne sommes pas condamnés au silence. Tout repose sur quelques atomes, sur quelques connexions.

    La poésie est petite et fragile. La poésie totale appartient à chacun d'entre nous. Elle est une force incompressible, irrésistible. Une force perdue dans un immense univers.