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Gema

Gema, moi non plus je ne peux plus bouger. Je te vois voûtée sur ta chaise avec ton regard de tristesse. Nous en sommes tous là, ligotés sur nos sièges éjectables. Ce n'est pas parce que tu fais le trajet jusqu'ici tous les jours que ton regard a changé de couleur. Ta tristesse me ferait presque pleurer. Tu avances les lèvres en avant en marmonnant comme toujours, comme si tu allais croquer le monde. Tes yeux se mouillent de désespoir, mais c'est moi qui pleure, Gema. Tu ne connais peut-être pas la douleur d'écrire, mais la douleur, elle est là ancrée en toi. Tu te dis : à quoi bon lutter, nous sommes déjà presque morts, à quoi bon marcher ? C'est vrai, Gema, on ferait mieux de rester ici à attendre. D'ailleurs, tous ces gens feraient bien aussi de ne pas bouger. Quand on a l'air d'un épouvantail on ne fait plus peur à personne. C'est quand on remue un peu qu'on leur fait peur, quand quelque chose tourne encore rond. Alors on reste là et on brandit notre pancarte : « fou », « poète », « je suis inadapté à la civilisation, je suis malade, abruti, incapable d'aligner trois mots qui ne soient pas de travers, donnez-moi mon pain quotidien de médicaments, injectez-moi en intraveineuse de quoi m'envoyer sur Saturne, je prie chaque jour pour rejoindre Saturne. » Gema, ça fait quoi trois fois quatre je sais pas je donne ma langue au chat ! De l'autre côté de la barrière il y a l'océan, Gema. Mais nous on est là, c'est ça qui ne va pas, c'est ça qu'il faudrait changer. Je sais bien qu'on ne peut pas guérir, on ne pourra jamais passer de l'autre côté de la barrière... C'est ça notre désespoir. C'est pour cela qu'on est assis sur notre chaise depuis une demi-heure que je te regarde. Je crois qu'on y est arrivé. C'est ici qu'on descend. Il va falloir marcher un peu, Gema. Au moins jusqu'à la mer, au moins jusqu'au bord du lagon. C'est pas grave, le soleil dans les yeux. Le vent, la pluie. Gema.

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