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NGC 581 - Page 4

  • Le soir déjà...

    Le soir déjà et je me sens si vieux. Dans la rue, les engins des travaux publics charrient sable et goudron. Quelques passants sous leur parapluie marchent comme moi, je suis si mal. A perte de vue s’étendent les enseignes des intérims. Peinture, maçonnerie, soudure, tous les gros et seconds œuvres dansent sur les vitres sales balisant les trottoirs. Je n’en puis plus de cette interminable ronde. Vais-je entrer ici ? Vais-je aller par-là ? Les questions les plus existentielles m’assaillent. La pluie lessive les pavés infects. Je marche à n’en plus finir. Et ces machines sourdes qui délestent votre cerveau de ses derniers neurones ! Presque tout le ciel semble s’écouler en rond dans ce caniveau où se précipitent mégots et bouteilles vides. Je lutte contre le néant. Tout vient dans cette rue à ce moment, parmi ces logements, volets ouverts ou fermés, les nuages de plus en plus noirs et la vie elle-même de plus en plus fugitive. Je lève les yeux pour tenter de trouver un semblant de repos. Des ombres massives font une ronde entre les toits. Le vent siffle sur les façades. Je voudrais pousser un cri. Ma voix se perd. L’écho est déjà loin.

     

    Ce soir est la fin d’un monde. Les lumières des fenêtres vont s’éteindre bientôt. Et moi je suis ivre de silence et d’ennui. Les murs me conduisent. Les machines m’enchaînent. Je suis casqué déjà. J’ai tous les vêtements sur moi. Le goudron me coule dans les veines. La vapeur me tétanise. La pluie me pénètre entièrement, dissout mon chagrin, m’enlève ma révolte. Je ne suis plus cet homme qui marche dans la rue. Le trottoir se vide peu à peu. Muni des outils adéquats je creuse ma propre tombe. Mes croque-morts ont quarante ans et viennent des tropiques. Le corbillard roule au gas-oil sur la voie qui rétrécit. J’ai à peine le temps de me retourner qu’un grand coup m’assomme.

               

    Les deux pinces du bulldozer se referment sur un congélateur en service et, après l’avoir élevé dans le ciel, le font retomber sur un tas encore plus grand. La plage de palmiers s’étend à l’horizon d’un sable blanc autour du lagon. Une femme fait tourner une broche au-dessus d’un feu presque éteint. Déjà apparaissent les premières étoiles et un croissant de lune. Des hommes reviennent de la pêche en traînant leurs pirogues de fortune.

     

    J’étais là parmi les invités. Je ne dis aucun mot de peur de me trahir. La vie est si douce le soir, allongé sur le sable ! Avons-nous besoin d’autre chose que de ces fruits gorgés de soleil ? Rêvons-nous parfois d’autres univers ? Le nôtre est si facile à charrier ses immondices, si adroit à écarter de l’humain l’humanité ! L’homme a fait de lui-même une machine sans rêves. Je donnerais tout pour ne pas retourner de l’autre côté du sommeil.

     

     

    Extrait de "Train de nuit", paru dans les revues Virgule n°4 et Passage d'encres n°28.

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  • "Magie noire"

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    Les éditions associatives Clapàs ont eu l’amabilité de publier  mon recueil « Magie noire ».  Pour commander, merci de prendre contact avec moi par courriel.

     

     

     

     

    *****

     

    Extraits :

     

    Mais tu erres. Comment pourrais-tu faire autrement ? Ne regarde pas ce miroir. N’ouvre pas ces ailes. Nous retournons au port. Plutôt se laisser porter par ces rêves. Oublie-moi. Tu m’oublieras. Tu m’as déjà oublié.

     

     (...)

     

    L’ancienne demeure est désormais vide derrière ces volets au travers desquels ne passe aucune lueur. Souviens-toi, le cerisier disait adieu en agitant ses feuilles au bord de ta fenêtre. Le vide s’est emparé de toi, le saisissant, l’angoissant vide. Ce lit est devenu ton tombeau.

     

    (…) 

     

    Assieds-toi sur ce rocher tant que tu le peux encore et que vienne le soir aux horloges de la nuit ! Attends que tes funestes songes naissent du coquillage accroché à un fil et qui tombe du ciel, et que les vagues viennent parfois toucher. ‑ Ce point du monde. 

     

     

     

    *****

     

    « Magie noire », c’est notre part d’inconscient qui s’exprime, prenant le pas sur la réalité au point de devenir notre propre réel. Difficile de se connaître soi, son histoire, ses propres chemins. Mais toute thérapie, toute analyse de soi-même vise à cet effort, à cette révolution. Car connaître ce qui nous gouverne, ce qui nous meut, c’est assurément avoir un pouvoir sur notre existence. On ne change sa vie qu’en conscience des mouvements contradictoires qui nous agitent. L’écriture participe de ce prodige. Rien ne se guérit, rien ne se crée sans cette connaissance froide ! L’homme est ainsi, tiré par des ficelles, possédé par ses démons qui sont universels ! La part de raison en ce monde est infime ! Il faut connaître les délires, les coups de sang, de folie. C’est pourquoi l’immersion en soi s’accompagne d’un mouvement de magie noire. Nos démons s’entredéchirent, règlent leurs comptes. A terme, la magie opère. L’effet de poison et la possession cessent. La conscience de l’envoûtement se fait. La fenêtre s’ouvre sur la noirceur du temps. L’horizon ouvert par la poésie s’apparente à un renouveau de soi. La poésie est une magie noire. L’effet du temps, les combats sont perpétuellement ancrés en nous. La magie continue dans le silence des ténèbres.

     

     

    « Magie noire suivi de L’air de rien », éditions associatives Clapàs, 46 pages.

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  • Vacances !

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    Les doigts de pied en éventail, peinard ! Ah ! les vacances ! Se décontracter le ciboulot en sirotant un diabolo menthe. Avoir l'esprit au niveau des mouettes qui font des zigzags au-dessus de la crasse des hommes. Se vider la tête sous un parasol en bouffant des beignets abricot. "- Chauds chauds les beignets ! " Allez faut rentrer, la douche et au lit ! T'as même pas le droit de te taper un mille bornes. Non, mais dis donc, tu vas obéir, oui ! Sale gamin ! Ca fout rien à l'école et ça voudrait commander à dix ans ! Non mais, sans blague ! Bref, vive les vacances et les autoroutes embouteillées, la tente qui prend l'eau et la grand-mère qui rote en pétant dans le duvet, les pique-niques tupperware, les pâtés de sable et la crème coco ! Allez ! tous à la flotte. Et que j't'arrose, et que j'te fous des coups de rame et que j'te balance des algues à la figure ! La vache ! les vacances, c'est carrément génial ! Dire qu'il va falloir repartir au boulot, se taper l'autoroute en sens inverse pour se noyer la tête sous les néons au vingt-quatrième étage un peu plus près de toi mon dieu ! Et pis bref, zut ! et rezut ! je me retape un beignet coca light. Les vacances, c'est carrément disco, new age, over top. C'est comme sur les cartes postales. Dis, va falloir en envoyer une à grand-père...