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NGC 581 - Page 16

  • Face à l'horreur

    Quand j'étais petit, je n'imaginais pas que le monde était aussi cruel. Parce qu'autour de moi les obus ne tombaient pas, les maisons des voisins ne brûlaient pas. Alors, je ne sais pas trop ce que pensent les enfants au Darfour. Ils doivent penser qu'ils sont tombés en enfer, qu'ils se sont trompés de planète. Aujourd'hui j'écoute les récits des massacres, je regarde les morceaux de corps par terre. Je suis désarmé face à l'horreur sans nom, face aux tortures. Je suppose que c'est ici que s'arrête la littérature, tout comme elle s'est arrêtée à Auschwitz. Je suppose que les mots ne peuvent pas venir pour qualifier une telle ignominie. 2 millions de morts au Soudan depuis 17 ans, plus de 300 000 au Darfour... Mon clavier écrit à l'encre blanche. La révolte se cogne aux murs. Et que dire des dizaines de milliers de civils morts en Irak ? Ca s'arrête quand l'horreur ? Y a-t-il une fin aux atrocités ? Permettez-moi de dire qu'aujourd'hui je n'ai rien écrit, que je n'avais pas les mots qui de toute façon auraient été dérisoires.

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  • De l'essence à la famine

    Je vous invite à découvrir l’entretien avec Jean Ziegler (rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation) concernant les biocarburants, dans un article de Olivier Nouaillas, intitulé « Les biocarburants mènent à la famine », publié dans La Vie du 25 octobre.  

     

    Les siècles à venir se retourneront sur notre époque et certainement ne seront pas tendres. Nous qui avons inventé les plus horribles tortures, qui avons perpétré les plus ignobles massacres et conduit les guerres depuis la nuit des temps, sommes menacés par de nouveaux dangers affectant les forêts, les océans, le climat de la Terre… Quels que soient les impacts à venir, ce seront encore une fois les plus pauvres, les plus fragiles, les femmes et les enfants qui subiront les conséquences de nos actes…  

     

    C’est ce qui se dessine aujourd’hui. « Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim et 854 millions d’êtres humains sont en état de malnutrition. Demain, avec les biocarburants, ce sera encore pire » déclare Jean Ziegler. En effet, « cette année le prix du blé a doublé dans le ­monde, au Mexique, le prix du maïs, un aliment de base pour la nourriture, a qua­druplé. » Ce qui n’est pas cultivé pour la nourriture mais pour faire rouler des bagnoles a une conséquence tragique : « Au Brésil, si vous faites le plein d’une voiture moyenne qui roule au bio­éthanol, les 50 litres que vous allez utiliser correspondent à 232 kilos de maïs, soit la nourriture de base d’un enfant zambien ou mexicain pour une année ! » Ainsi Fabrice Nicolino écrit-il dans « La faim, la bagnole, le blé et nous » : « De l’Indonésie au Brésil en passant par le Cameroun, ces nouvelles cultures de canne à sucre, de soja ou encore de maïs sont en train d’accélérer à la fois la déforestation et de faire exploser le prix des produits alimentaires de base. »  

     

    Les enjeux dépassent de loin le cadre national du Grenelle de l’environnement. Dans un autre article de La Vie, intitulé L’éthanol fait tousser le Brésil, un accord entre Bush et la président brésilien Lula passé en mars 2007 est dénoncé comme « potentiellement désastreux » : « 26 millions d’hectares de terres vivrières [seront] sacrifiés à la canne à sucre au Brésil pour produire du biocarburant. » Afin de réduire la dépendance des Etats-Unis vis à vis des pays pétroliers, Bush entend exploiter les sols de la région pour faire rouler ses voitures, tout en ayant des visées sur d’autres pays latino-américains. "L'éthanol ne menace pas l'environnement" affirmait en mars le Président brésilien. L’article de La Vie donne une toute autre opinion. Entreprises dans une zone où la forêt est en grave danger, rongée jour après jour loin des yeux du monde, ces nouvelles cultures causent incendies et pollution supplémentaire, représentent un vecteur de pauvreté et une menace sur l’alimentation, alors que 2,7 milliards de personnes dans le monde vivent avec moins de deux dollars par jour.  

     

    Voilà où nous en sommes. Ainsi se livre le grignotage continu des ressources naturelles. Un exemple parmi cent qui prépare pour nos enfants un monde dont nous ne mesurons pas encore assez les blessures. Quand il n’y aura plus de pétrole, nous pourrons toujours consumer les restes de la forêt amazonienne, quand il n’y aura plus assez de maïs et de canne à sucre, nous pourrons toujours nous entredévorer, ou bien nous faire une nouvelle guerre pour inverser le taux de croissance de la population. La connerie humaine est visible. Personne ne peut fermer les yeux. D’une manière ou d’une autre, nous serons amenés à de multiples changements. Où va donc l’homme bon de Rousseau ? Ce qui m’inquiète au-delà de sa disparition, c’est bien celle des plus pauvres, des plus fragiles, des femmes et des enfants.  

     

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    L'Amazonie brûle et l'Amérique du Sud étouffe (Extraits d’un article de Daniel Howden et Jules Steven publié le 5 octobre 2007 dans The Independent ) :

    « De vastes étendues du Brésil et du Paraguay, ainsi qu’une grande partie de la Bolivie, étouffent sous des couches épaisses de fumée tandis qu’un feu échappant à tout contrôle fait rage dans la forêt tropicale d’Amazonie, obligeant à l’annulation de vols.  

    Les images des satellites ont montré, hier, d'énormes nuages de fumée et une grande partie du bassin de l'Amazonie qui brûle, alors que des feux, allumés à l'origine par les éleveurs pour dégager des terrains, faisaient rage à l'intérieur même de la forêt.(…)   Roberto Smeraldi, à la tête des Amis de la Terre au Brésil, a déclaré que la situation échappait à tout contrôle : "Nous avons une forte concentration de feux, correspondant à 10.000 départs de feu sur une vaste étendue d'environ deux millions de km², dans le sud de l'Amazonie brésilienne et en Bolivie".(…)   M. Smeraldi a été très clair sur la responsabilité des incendies de cette année : "C'est essentiellement, je dirais à plus de 90%, le résultat de l'expansion de l'élevage de bovins".(…)   "Ces feux reflètent le côté suicidaire de l'homme", a déclaré Hylton Murray Philipson, de l'œuvre caritative basée à Londres, Rainforest Concern. (…)   Le Brésil et l'Indonésie n'apparaissent pas sur les indices industriels conventionnels des principaux pollueurs mondiaux, mais ces deux pays font partie des quatre plus gros émetteurs de CO2 lorsque l'on prend en compte la déforestation. »

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  • A l'heure du crépuscule à Madagascar

    "Pour le Père Pedro, l'aventure commence en 1989. De retour des rizières du Sud où il fut missionnaire une douzaine d'années, le prêtre découvre un jour, au-dessus de Tana, une multitude de miséreux pieds nus au milieu des rats. Enfants et adultes ne vivent pas seulement sur, mais "par" les ordures. Dormant parfois dans des tunnels creusés sous les immondices, ils sont des milliers, armés de crochets, à s'échiner du matin au soir pour récupérer les miettes d'une société de sous-consommation. La confrontation brutale avec ce "peuple de la décharge" agit sur Pedro comme une nouvelle révélation. Il va consacrer sa vie à sauver ces damnés." LE MONDE, 20.06.05.

    Et pendant ce temps les supermarchés n'ont jamais été aussi pleins. Vu l'autre soir à la télé aux infos les enfants en haillons qui fouillent les décharges ; avant le compte rendu du rugby, la pub, la soirée disco. Ca pèse pas lourd. Et on est là à gueuler sur les retraites, sur le pouvoir d'achat. Oui, des pauvres il y en a ici aussi. Même avec un BTS en informatique on pointe au chômage. "Mais tout le système, fondé sur la sélection, vise à exclure, à tous les niveaux, afin de ne conserver que les "meilleurs" selon le goût du jour." : Georges Rose dans Noir de lumière (Editions Henry). On ne se figure pas assez qu'une vie ne vaut rien face à la Bourse, aux marchés, aux multinationales. On peut construire des temples, des hôtels, des usines en plein désert, pourvu qu'il y ait de l'argent, des intérêts en jeu. Madagascar déborde de richesses et de ressources naturelles, mais elle n'a pas d'argent. Il s'agit de vivre avec quelques dollars par jour arrachés au prix d'un travail pénible. Les enfants manquent de moyens à l'école, de vêtements, de bicyclettes, de soins médicaux, de nourriture... On ne sait même plus ici la valeur de l'eau potable, de manger à sa faim, d'avoir des loisirs. Là-bas, un jean même usé est un trésor, un livre est un trésor, un objet utile peut changer toute une vie.

    On se demande au nom de quoi les riches veulent toujours être encore plus riches et pourquoi les pauvres sont toujours laissés sur le carreau, loin des regards. On se demande ce qui justifie autant d'écarts, on peut regarder les rayons des supermarchés pour constater que rien ne tourne rond.

    Nous poètes, quelle est la véritable valeur de notre discours ? Il est toujours plein d'enseignements de se demander quelle place on occupe dans le monde, ce qu'il est possible de faire soi-même à son niveau. Qu'y a-t-il donc d'important dans le fait d'écrire ? Est-ce qu'écrire ses sentiments, sa vie, raconter une expérience est si important ? Pour soi, oui certainement. Pour pouvoir échanger, discuter, partager aussi. Et pourquoi ne pas vouloir aussi peser sur ce monde à travers ce moyen qu'est l'écriture, se dire que cela en vaut bien un autre ? La poésie n'aurait d'intérêt que dans les échanges qu'elle suscite et cela suffirait à la justifier amplement. Tout cela est-il si éloigné de Madagascar ? La poésie ne prend-elle pas pour sujet le monde et donc aussi Madagascar ? Comment mesurer la valeur d'un discours ?  Que demandent  nos poèmes sinon d'être lus ? Et donc a qui appartient la parole ? N'appartient-elle pas aux riches, aux puissants, à celui qui de tout temps a possédé le feu ! N'avons-nous pas pour devoir d'être des « voleurs de feu » ?

    Prière :

    Seigneur, donne-moi ma ration quotidienne de bonbons Haribo. Sans eux je suis malheureux. Sans eux mon cœur éclate et mes boyaux se dispersent dans la rue. Mes neurones explosent. Mes yeux se transforment en glaçons. Seigneur, tranche-moi le cerveau à coups de hache ! Taillade-moi les poignets, je ne suis pas un simple consommateur, je suis condamné a être plus que moi-même. Je ne suis pas un simple locataire. Je n'ai pas la valeur de mon relevé de compte ! J'avoue avoir écrit quelques poèmes. J'avoue avoir gueuler bien fort pour affirmer mes idées. J'avoue avoir voulu rétamer la gueule à un copain pendant la récréation. Mais vois... j'ai la même peau usée, le crâne dégarni et le ventre rond. Je ne fais qu'habiter mon lopin de terre. Sans gloire, sans illusions. J'ai en moi toute la réalité de l'Holocauste. Je suis coupable et prêt à recevoir ton châtiment. Madagascar c'est loin, mais ça me concerne aussi un peu. J'ai les mêmes atomes, les mêmes gènes. L'océan est une goutte d'eau. Bientôt nos navires sombreront au fond de l'Atlantique, les forêts seront parties en fumée et le ciel pleurera des larmes de cendre. J'épouse l'horizon de Madagascar comme la finitude de ce que je peux offrir de mieux. Corps, Esprit, j'ai bien mérité ton châtiment. Je ne suis qu'un bout de la pauvreté à Madagascar.

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    Vu à la télé hier soir le début de la Star Academy. J'ai pas fini de vous en reparler. 17 lobotomisés se sont enfermés dans un château. Ce n'est pas encore l'heure de la révolution.

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